Faire bouillir la marmite d’abord !
Le nez sur le guidon, les gens s’occupent de leurs petites affaires. Les bruits et les fureurs des prémices d’une troisième guerre mondiale passent loin derrière l’intérêt d’entendre le sifflement du gaz dans la gazinière, avant de craquer l’allumette qu’on n’entendra peut-être plus cet hiver, de l’électricité qui pourrait manquer aux frigidaires et du froid de janvier malgré le réchauffement climatique.
Le gouvernement d’Alexander De Croo aura beau exalter le patriotisme européen et Charles Michel se faire photographier dans les rues de Kiev, serrant le président Zelensky dans ses bras, l’attention ne se distrait pas des salaires qui ne suivent pas l’inflation, des promesses non tenues sur les pensions par les socialistes, tandis que les chômeurs s’inquiètent des nouvelles idées de l’ami des riches, Georges-Louis Bouchez.
Comment s’élever l’âme en des jours qui rapetissent ?
On a beau dire, c’est plus facile quand on gagne 20.000 € par mois, alors qu’on doit s’identifier à l’électeur qui n’en gagne que 1.500, de s’élever au-dessus des contingences pour magnifier des sentiments nobles et patriotiques !
Quand les gens multiplient les hésitations entre se chauffer ou manger, allez donc leur parler de se dévouer pour une grande cause.
Justement on est en guerre ou ce qui en tient lieu. Toutes les populations se ressemblent. Elles se racrapotent autour de ce qui leur est nécessaire dans l’immédiat pour survivre. Elles pensent avant tout aux êtres chers exposés aux dangers et à la misère, plutôt qu’aux fureurs du camp d’en face. Elles ne seront fières de leurs héros, que lorsque tout sera terminé.
La génération passée n’existe plus que par quelques survivants centenaires, mais cette génération a transmis à la suivante des images d’horreurs : les camps de la mort, les exécutions sommaires, le désir obsessionnel d’anéantir le peuple juif ! Les rêves fous d’un dictateur, passant sur cinq ans de la gloire à la chute, du tribun exalté au vieillard parkinsonien, ont marqué les esprits.
Justement, les gazettes ont rapporté avant la guerre d’Ukraine, le savoir-faire de l’armée russe en Syrie en soutient à Bachar el-Assad, les bombardements par l’aviation de Poutine des populations rebelles d’Alep, tuant 21.500 civils. Et on se dit, ce sont ces mêmes fous furieux en mission spéciale, qui se ruent à l’assaut des maisons et des biens de leurs « frères » ukrainiens !
Malgré septante-sept ans de paix après la fin du Reich d’Adolf, on en tremble encore et voilà qu’un autre énergumène souffle dans les mêmes trompettes ! Assez curieusement les maîtres de la Belgique, de l’Europe et des États-Unis poursuivent à la fois leur rêve économique du grand marché mondial, foutaise délirante depuis que le monde est à nouveau coupé en deux, tandis qu’ils nous entraînent à conforter l’image d’une Ukraine européenne dont il est de notre honneur de soutenir l’intégrité, par devoir.
Désabusé d’une démocratie qui n’en est plus une, nous voilà sommés de voler au secours d’un État voisin au nom de la démocratie !
Bien sûr, en vertu de notre passé de peuple envahi, nous penchons par le cœur et la raison à aider au sauvetage du peuple ukrainien. Notre situation précaire dans un système qui nous ignore et dans lequel nous ne nous sentons pas aimés, fait que nous rechignons de le faire aux côtés d’un Charles Michel et d’une Ursula von der Reyen !
Soutenir si l’on peut des gens comme nous qui souffrent et fuient les tueries d’une cohorte d’envahisseurs, oui ; mais pas en brandissant le drapeau d’une Europe avant tout succursale des lobbies et des États-Unis !
Ces contradictions chamboulent tout dans nos têtes et font de ce conflit une sorte de cauchemar éveillé interférant sur notre condition misérable, l’augmentant même des sacrifices que nous nous apprêtons à faire, contraints par un gouvernement goulûment imbu de sa classe sociale supérieure, de son habileté à taxer notre travail et à nous dépouiller de mille et une manières.
Si les forces morales des soldats russes ont été rongées par le mensonge systémique, l’absence de préparation psychologique, et le non-sens de cette guerre, notre situation dans le camp adverse ne vaut pas mieux.
Notre bons sens refuse, après l’expérience des Anciens et l’étude des circonstances, de nous croire dans le bon camp. On nous refait le coup de la guerre froide ! On nous a largement servi des mensonges systémiques du même tonneau que ceux des propagandistes du Kremlin. Il nous reste sur le cœur cinquante années d’une politique américaine qu’insupportent l’idée de liens possibles entre la Russie et l’Europe, pour applaudir le bon choix des Vingt-Sept !
D’abord, faire bouillir la marmite, c’est le plus urgent. Haut-les-cœurs, après !...