Un pouvoir irresponsable ?
L’effondrement auquel nous assistons n’est pas seulement économique et terre à terre, c’est aussi celui de l’échec d’une élite, celle qui se fait voir depuis toujours dans nos gouvernements et à nos Assemblées.
Par une sorte de magie, ce sont toujours les mêmes qui reviennent. Ce n’est donc qu’un petit groupe d’élus qui gèrent la Belgique, puisqu’ils se passent le relais d’une législature à l’autre. Cette poignée de gens devrait répondre de la mauvaise gestion du pays.
Un des traits caractéristiques de cette élite, c’est son irresponsabilité. Jadis on démissionnait quand un des rouages de l’Administration du ministère s’était grippé. Aujourd’hui, un ministre ne démissionne même plus pour une faute personnelle.
Cette manière d’esquiver les responsabilités de ce pour quoi cette élite est payée grassement n’est pas très ancienne. Elle a pris consistance à l’ « affaire du sang contaminé » en France. Elle permet à Laurent Fabius, premier ministre et Georgina Dufoix, ministre de la santé de l’époque, d’inaugurer une nouvelle formule qui sera destinée à un grand avenir « Responsable, mais pas coupable » !
L’état des lieux est vite fait, la situation en Belgique est des plus catastrophiques ne serait-ce que par comparaison avec des pays voisins. Et que font le premier ministre Alexander De Croo et la nouvelle ministre des Affaires étrangères par la grâce exclusive de Georges-Louis Bouchez, Hadja Lahbib ?
Ils vont en Ukraine se faire photographier à côté de son médiatique président !
Mais le feu est à la maison ! C’est ici, en Belgique que ça se passe en priorité. Le voyage qui était nécessaire n’était pas bien long. Il suffisait de prendre le tram et d’aller au Berlaimont à Bruxelles, sonner à la porte du bureau d’Ursula von der Leyen et lui demander les raisons de l’échec des négociations sur le prix de l’électricité et du gaz et pourquoi le blocage des prix n’a pas eu lieu !
On pourrait dérouler tout ce qui ne tourne pas rond dans ce pays et ce pourquoi on nous mène en bateau, après que nos élites se fussent remués à l’UE.
Devant la liste, à commencer par l’acte de baptême de la Vivaldi dont aucune des mesures sociales inscrites dans les priorités ne sera prise, on est accablé par le sans-gêne de ce gouvernement.
On se console comme on peut. Par exemple en lisant La Bruyère « De bien des gens il n’y a que le nom qui vaille quelque chose ; quand vous les voyez de fort près, c’est moins que rien ; de loin, ils imposent. ».
Dire de cette génération d’électeurs qu’elle est « snowflake » (flocon de neige), c’est-à-dire peureuse et lâche, c’est trop facile. Cela reviendrait à nous solidariser aux bêtises des ministres, alors qu’ils ont déjà tendance à rejeter leurs fautes sur nous. En réalité nous sommes victimes de la mystification d’un suffrage universel qui ne fonctionne plus selon des critères démocratiques.
En crise de sérendipité, comme Colomb qui découvre l’Amérique alors qu’il se croit en Inde, nous nous sommes fourvoyés sur nos Institutions, alors qu’elles fonctionnent mais pour tout autre raison qu’elles devraient fonctionner.
Osons lever la tête et les regarder en face. Ce serait terrible si nous découvrions qu’ils sont semblables à nous ! Mais non, ils nous sont étrangers. Ces gens font un voyage parallèle à nos réalités. Ils chevauchent leur asymptote pour ne nous rejoindre jamais.
Ces élites seraient-elles stupides ? ressembleraient-elles à la définition du fou que Paul Valéry propose « Le fou véritable est celui qui demeure fou même que son besoin et son intérêt demanderaient qu’il ne le reste pas ». Car leur intérêt n’est-il pas de dire « Oui, nous pouvions faire mieux. Nous pouvions faire mieux, et si nous ne l’avons pas fait, c’est que nous sommes toujours sous l’emprise des préjugés de l’économie capitaliste. Nous avons commis l’erreur de croire que l’offre et la demande allaient équilibrer les parties et qu’ainsi la gestion serait la meilleure possible. ».
Justement, ce langage de raison ils ne le tiendront pas, parce que de toute évidence, ils ne sont que des faux mandataires chargés par nous de régler les affaires de la Belgique. Leurs vrais maîtres s’appellent la finance, la mondialisation, des classes supérieures aux milliardaires hors catégorie.
C’est-à-dire que ces hauts commis, issus du suffrage universel, sont en réalité nos ennemis.
Quand l’ordre est injustice, le désordre est déjà un commencement de justice, pensait Romain Rolland ; et il pensait juste.
Nos maîtres iraient-ils jusqu’à faire tirer la troupe sur des gens dans le besoin ? C’est ce qu’on saura peut-être bientôt. Et sans doute que les plus acharnés à faire ouvrir le feu seront les socialistes ; ne souffrent-ils pas de leur grande proximité avec nous ?
« Ce qui rend la corruption ou même la simple médiocrité des élites, si funeste, c’est la solidarité qui lie entre eux tous leurs membres, corrompus ou non corrompus, pour la défense du prestige commun » conclura Georges Bernanos.
Une société civilisée comme l’a été la nôtre n’est-elle pas vouée dans sa descente aux enfers à se déglinguer jusqu’à ne devenir rien ?