Pecunia non olet
On a tort d’accorder peu d’intérêt aux touche-à-tout et s’esbaudir devant les spécialistes d’une unique spécialisation. Qui connaît encore Ernest Bornemann, sauf quelques amateurs de jazz ?
« La psychanalyse de l’argent » est devenu un livre rare. Il a été écrit par Ernest Bornemann, né le 12 avril 1915 à Berlin et mort le 4 juin 1995 ; voilà un écrivain de roman policier, un scénariste, un anthropologue, un ethnomusicologue, un musicien de jazz, un critique de jazz, un psychanalyste, un sexologue et un militant socialiste allemand, qui pourrait prétendre dans au moins une branche : la psychanalyse, rivaliser avec les plus grands, James, Freud, Young, Piaget, Lacan, etc.
Son essai « La psychanalyse de l’argent » remet en question la réponse de Vespasien à son fils Titus à propos d’une taxe sur l’urine « Sens… l’argent n’a pas d’odeur ».
Selon Bornemann l’argent ne sent pas l’urine, plutôt la merde…
« Les cas d’intérêt anal pour l’argent décrits par Freud lui-même, montrent sans exception que s’unissent l’analité des pulsions orales, refoulées, sans parler de la participation active des pulsions partielles. La forme de l’intérêt anal pour l’argent, l’attachement à l’argent, est impossible si l’on ne possède pas d’argent, et présuppose donc le désir de l’appropriation, qui est conditionné par l’oralité. André Amar (1908-1990) exprime le choix ainsi : pour rester pauvre on n’a pas besoin de faire quoi que ce soit. Celui qui veut s’enrichir est au contraire obligé de faire quelque chose. Et à vrai dire, il doit faire quelque chose d’agressif : il doit soustraire de l’argent à quelqu’un. Gagner de l’argent est donc une forme d’agression du point de vue étiologique, appartient à la seconde étape orale, celle de la morsure, dans laquelle il y a toujours des pulsions partielles sadiques qui s’associent au désir d’incorporation. » (Psychanalyse de l’argent, page 39)
On se doutait que les excès de propreté chez les CIO, tirés à quatre épingles et semblant sortir de leur salle de bain, chez certains politiques, comme Georges-Louis Bouchez, volontairement négligé, mais imprégné d’eaux de toilette ou poudré à la Didier Reynders pour s’aller faire admirer sur RTL-Tvi, parce que dans leur profondeur sui-generis, ils sentent la merde !
Divine odeur pour certains, mais qu’il faut cacher comme un trésor, surtout pour ne pas éveiller la convoitise d’un concurrent jouant d’une autre martingale anti-sceptique.
Il semblait bien ainsi que leur intérêt pour « la réussite » à savoir la domination par la ruse et par une forme d’escroquerie morale pour faire « rendre » à des individus, la plus grande partie de ce qu’ils ont gagné en travaillant, ne pouvait venir que d’une constipation du chef, signe évident d’une « retenue », fruit occlusif de ses réflexions !
Poussant plus loin l’étron bienfaisant dans leur satisfaction de le conserver jalousement dans leurs tréfonds, ils ont multiplié l’excédent de profit par la division du travail.
Cette idée ne pouvait venir que d’un ingénieur constipé, naturellement rêveur sur la lunette, tirant des plans sur les rouleaux de papier toilette. Aussitôt admise comme une prodigieuse découverte, le béhaviorisme est bien né d’une paresse intestinale.
Ainsi, ils ont compris qu’acheter de l’humain puis le bien encadrer pour produire, était une occupation à plein temps. Comment éviter la distraction ou la négligence qui était pour eux comme une sorte de vol sur l’heure payée ? Mais en tuant toutes les satisfactions de l’être humain qui résulterait de l’usage équilibré de ses facultés. Par suite logique, ils ont condamné leur personnel à l’entérite, service rapide défécatoire avant l’entrée dans le circuit de la chaîne de montage ou du bureau à prise directe sur les performances.
Alors que le CEO se complaît des heures au « lieu », il serait inconvenant que le salarié en fît autant.
Le top, c’est d’épurer le travailleur en le débarrassant de toutes les facultés et besoins du corps et de l’esprit. Aussi sûrement que les organes dépérissent lorsqu’ils ne sont pas utilisés, la spécialisation et la désaffection de tout facteur extérieur inhérents à la division du travail poussent l’être humain à la maladie physique et psychique. Une certaine atrophie du corps et de l’esprit est absolument inséparable de la division du travail dans son ensemble.
De cela le CEO avide et le PDG ondoyés d’eau de toilette cherchent avec inquiétude cette odeur de remugles personnels, assurance de leur réussite, par le pouvoir olfactif nidoreux subtilement présent.
L’ascétisme de ceux qu’ils dépouillent est le gage de leur réussite. Il y a toute une littérature là-dessus, montrant le bien fondé de leurs actions. Quand ils ont des doutes sur le coulage de leur méthode et comment peuvent encore s’en sortir ceux qu’ils exploitent, on prétend que certains de leurs psychologues leur suggèrent de tirer quelques chasse d’eau sur les infimes brens qu’ils laissent par mégarde s’échapper de leur magistrale entité.