Il était une fois… la Belgique !
Risquons un métalepse que tout le monde comprendra, en nous écriant « Nous pleurons la Belgique » pour « la Belgique est morte ». Car elle l’est bel et bien, noyée dans ses contradictions, ramenée sur la berge par une Europe qui lui maintient la tête hors de l’eau, comme s’il était possible de la sauver.
Mieux ce mélange de germanité et de latinité qui ne devait pas être, survivra à la rouerie de Metternich, Palmerson et Talleyrand, par on ne sait quel mélange de résignation et d’indifférence.
Avant la combine de ces messieurs jouant avec les peuples pour assurer un no mans’ land garantissant l’île anglaise à l’invasion des Germains, le Liégeois Etienne de Gerlache réclamait en décembre 1825 le droit des libéraux à défendre la liberté sur tous les terrains, sans nullement l’intention d’y associer les Germains, en armes à deux de nos frontières linguistiques sur trois : les Pays-Bas et l’Allemagne, avec seulement l’intention de rattacher l’ancienne principauté de Liège aux trois-quarts francophones, à la France.
La révolution qui éclata en France le 27 juillet 1830 contre Charles X porta en trois jours le roi-bourgeois Louis-Philippe au pouvoir, dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle. Le roi devint le « roi des Français par la volonté nationale ». Cette révolution libérale échauffa les esprits en Belgique. Entre 1829 et 1831, d'autres révolutions éclatèrent en Europe. Elles avaient plutôt un caractère nationaliste, inspiré par les idéaux du romantisme, qui voulaient que chaque peuple eût droit à une nation et à l'autonomie.
C’est alors que les trois mauvais génies firent un coup en soudoyant probablement une partie de la bourgeoisie bruxelloise dans le but de construire un État tampon artificiel. Les ouvriers étaient en proie à de sérieuses difficultés financières, le chômage augmentait dangereusement, les vols et les pillages étaient en augmentation. Le Parlement de La Haye sentait monter la tension dans sa province la plus au Sud.
Ils écrivirent le scénario un peu par hasard, profitant de l’agitation des étudiants au sortir d’une représentation à Bruxelles de « La Muette de Portici » le 25 août 1830, au théâtre de la Monnaie.
Les autorités gouvernementales prirent des mesures de prudence (interdiction de La Muette de Portici, renforcement des garnisons, annulation de l'exercice de la garde communale de Bruxelles, du feu d'artifice et des illuminations prévus pour l'anniversaire du roi).
Deux piquets d'infanterie arrivèrent sur les lieux après le pillage d’une demeure d’un Orangiste, tandis que les ouvriers amusés regardaient de leurs mansardes, les bourgeois s’échauffer dans la rue.
Á quoi tient la naissance « d’un pays » ! Ce jour-là, les trois grands fripons de la diplomatie européenne eurent du bol ! Le commandant de police F.P. de Wageneer, fut atteint par un meuble à la tête lors du pillage, avant d'avoir donné l'ordre d'intervenir. Sans instructions, les piquets d’infanterie n'osèrent ouvrir le feu. Quelques coups de feu au fusil Charleville eussent sans doute suffi.
Voyant cela le groupe de pillards s’était grossi de gens du petit peuple. Plus tard, un groupe se dirigea vers l'immeuble du directeur de la police, Pierre De Knyff de Gontrœuil, qui fut également mis à sac. Là, les tirs des services d'ordre font des victimes, dont deux morts, parmi les insurgés, ce qui mit fin à l'agitation. Au Grand Sablon, les tirs sur les manifestants firent une vingtaine de morts.
N’ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent, les historiens du jeune royaume chrétien, se mirent à la tâche pour donner aux écoles les belles histoires qu’on assène à nos enfants, avec force enluminures de Charlier Jambe-de-bois tirant du canon, pour la gloire du nouvel État !
Le dernier champion de l’enluminure qui fit des événements une histoire de la Révolution belge que des éditeurs reprirent en images d’Épinal sur carte-postale, fut Henri Pirenne (1862-1935).
On n’a pas fait mieux depuis, puisque ces mini-événements passent encore en Belgique pour éclipser l’Histoire de la Révolution française de Michelet.
Cent nonante trois ans plus tard, que reste-t-il de la construction perverse de Metternich, Palmerson et Talleyrand ?
La Belgique se dissout dans l’indifférence générale parce qu’elle ne remplit plus aucune fonction claire et déterminée. Il n’y a pas de vrais patriotes, seulement des citoyens qui trouvent confortable toute situation du moment qu’elle existe, dans l’horreur de défaire pour faire, cela exigeant efforts et volonté.
La Flandre ayant réussi sa métamorphose en un État structuré, la Wallonie deviendra une terre abandonnée qui finira par tomber dans la mouvance française. Ses dirigeants planqués à Namur sont aujourd’hui parmi les plus incompétents que nous ayons eus de longtemps. Ces ignares n’ont même pas tenté de nous monter en théorie, un destin en propre, au cas où les Flamands nous sortiraient de « chez eux » !
Quant à Bruxelles, ce coin oublié de France encerclé de Germains, est une aberration pour la Flandre qui tarde à l’annexer. Elle est, dit-on, gouvernée mollement par un ministre président PS acquis à la cause flamande. La preuve en est dans les pouvoirs extravagants accordés à une minorité flamande qui se venge de n’avoir pas un droit absolu sur Bruxelles capitale, en humiliant et en se moquant des francophones habitant en Flandre par mesure de rétorsion.