Liberté et égalité.
De l’éternel débat entre liberté et égalité depuis la définition d’Alexis de Tocqueville (1805-1859), jusqu’à l’économiste Rawls, résulte une incompatibilité insoluble.
Écrit de la sorte, l’affaire est entendue et le lecteur n’a que se débrouiller s’il n’a pas lu « De la démocratie en Amérique », ce qui pour un auteur publié au milieu du XIXme siècle, ne doit pas être fréquent. L’œuvre de Rawls (1921-2002) plus récente, ne se lit que dans les milieux spécialisés.
Comment rendre des informations importantes compréhensibles pour tous ? Tout le monde n’est pas économiste. Comment se faire une opinion, dès lors que l’on sait les journalistes, spécialisés en économie et en philosophie des valeurs traitant de la liberté, étant tous des menteurs ?
Il manque un vulgarisateur honnête capable d’écrire en toutes lettres que le système économique libéral, quand il s’analyse à propos de la « liberté », est incompatible avec une démocratie tendant à l’égalité entre les citoyens.
Ce n’est pas rien ! Quand Georges-Louis Bouchez feint une grande émotion en parlant de la Liberté pour tous, il ment effrontément, sauf s’il est lui-même la dupe de ses grands prédécesseurs qui ont martelé ce mensonge sur tous les tréteaux de la propagande, comme la représentation la plus pure de la vérité.
Inutile de revenir sur la prétention du MR de donner du sens à cette liberté. Tout le monde aura compris qu’il s’agit seulement, pour ce parti, de la liberté d’entreprendre, dispensatrice de toutes les autres liberté, jurent-ils, alors qu’en réalité, elle les étouffe.
Ce courant de pensée libérale jette le trouble dans l’égalité naturelle de tous, qui supposerait le même accès aux libertés essentielles, par exemple que nous soyons tous en bonne santé avec un quotient intellectuel identique et que nous ayons été éduqués de la même manière, par des parents procédant à l’identique. C’est évidemment impossible. Cela supposerait que la société corrige les handicaps des malchanceux par des avantages sur la ligne de départ. S’il y a bien une chose que le libéralisme déteste, c’est bien un système de compensation qui réduirait les inégalités avant la confrontation.
Tocqueville, fin connaisseur de l’âme humaine, en a limité l’influence « Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l’égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté. » Comme si l’inégalité dans la liberté n’était pas la première des servitudes ! À supposer que Didier Reynders, grand lecteur de Tocqueville, soit d’accord sur l’individualisme, chacun devrait aller à la bagarre avec les armes qu’il a et tant pis pour ceux mal armés d’un lance-pierre.
« L'individualisme est un sentiment réfléchi qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables de telle sorte que, après s'être créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même », ainsi Tocqueville prône l’individualisme comme l’élément central pour la conquête de la liberté, tout en reconnaissant que ceux qui réussissent se détournent de ceux qui échouent, créant les ferments de l’inégalité dans sa conception de la démocratie. L’hystérésis persiste chez Rawls comme le souligne Francisco Vergara « …fortement influencé par le vocabulaire et certaines formes de raisonnement issus de la théorie économique néoclassique, Rawls donne une version biaisée de l'utilitarisme, consistant à confondre « bonheur » avec « satisfaction des désirs ».
Une démocratie libérale est donc un non-sens puisque les principes du libéralisme ne concourent pas à l’amélioration de la démocratie dont le but, ne l’oublions jamais, est de rendre à chacun le même pouvoir dans la liberté d’être ce que l’on veut, sans attenter au même principe chez les autres. Or, ce qui sépare à jamais la plus grande partie des citoyens de ceux qui ont réussi à se hisser au-dessus d’eux, ce sont justement les inégalités qui ont joué à leur avantage, empêchant ainsi de donner à plein le même principe chez les autres.
À partir de ce fait, la sanction tombe. Le citoyen passe du statut d’homme libre à celui d’employé chez autrui, ouvrant toutes les spéculations sociales et politiques entre exploitants et exploités. Quand bien même eût-il persisté dans sa quête de la liberté en s’installant « à son compte », on peut aujourd’hui mesurer les galères qui l’attendent, pour finir au constat de l’effondrement de la classe moyenne inférieure, dont il aspirait en être.
C’est même un caillou dans la chaussure de GLB, l’échelon du petit commerce dont il faisait un marchepied pour un accès à la haute bourgeoisie, casser net sous la tempête économique.
Ce n’est pas ce seul strate social qui échappe au libéralisme mais le fonctionnement global.
Intellectuellement tous les signes indiquent que l’aventure libérale telle qu’elle se survit actuellement est à son déclin, matériellement elle poursuit sa course folle au profit et à son proguctivisme, sans tenir compte de ses nuisances.
Qui pourra arrêter cette vieille bête économique à temps ?