SURVIVRE
On le sait bien que tout n’ira jamais plus comme avant. Le ressort du rebondissement d’un nouveau départ est cassé. Le « comme avant » n’a pas son pesant de nostalgie pour le temps qui fuit et ne se rattrape pas. Le « comme avant » n’est que le constat d’une perte : celle de l’espoir.
Le terrible dans la chose tient dans la division de l’opinion sur le sujet.
Les irréductibles du libéralisme poursuivent le rêve d’une économie dynamique momentanément en sommeil et qui va se réveiller. Ils croient encore au néolibéralisme et au redémarrage de la croissance, C’est-à-dire aux sornettes de nos gouvernements chapeautés en ce sens par l’Europe de Bruxelles.
Tout le MR et une grosse partie du PS tiennent ce pari. Pauvres fous qui ne voient pas ou pauvres hypocrites qui feignent de ne pas voir comme le monde est divisé sur la question de l’humanisme et de la permissivité de dire son ressenti. Il y a des pays, comme l’Iran et la Chine et depuis la guerre d’Ukraine, comme la Russie où il ne fait pas bon dire « je ne suis pas d’accord ».
Comment encore pouvoir vivre et commercer avec un état qui pend des gens rien que parce qu’ils ont protesté en rue sur le port du voile islamique ? Échanger des connaissances, vendre et acheter des biens de consommation avec la Russie semblent aléatoire, en tout cas actuellement hors de question, quand des citoyens sont condamnés à huit ans de déportation en Sibérie pour avoir osé critiquer la guerre que Poutine mène en Ukraine. Commercer avec la Chine, c’est oublier les droits de l’Homme, accepter le parti unique et faire semblant d’avoir chassé Tian'anmen de sa mémoire. Ne parlons pas de l’Afghanistan, de la Syrie, du Yémen et des dictatures africaines rongées par les despotes-présidents et les groupuscules armés islamistes.
Le néolibéralisme qui englobait le monde entier dans un vaste marché et qui ne tenait la corde rien que pour ça, doit déchanter. Il n’est plus de saison. Mettre hommes et marchandises en concurrence n’était déjà pas au départ une bonne idée. Cela allait sous-entendre du chômage et des bas salaires pour l’Europe. Exporter nos savoir-faire avec les machines était tout aussi préjudiciable. La triste expérience des années Covid nous en laisse l’amère résultat. Nous sommes nus et sans arguments devant la Chine. Nous attendons d’elle qu’elle nous dépanne en tout. Le comble, elle le fait avec nos techniques et nos savoirs dans les entreprises anciennement européennes qui s’y sont installées ou, encore mieux, qui y ont été recopiées avec toute la précision orientale, puis priées de déguerpir.
Le pire était encore dans les profits tous essentiellement pour les actionnaires et les banques d’un pareil système. Mort – mais pas pour tout le monde – avant la finition, il était déjà bien avancé pour nous laisser voir un aperçu des nuisances. L’accaparement des fruits de la productivité n’était même plus discutable. Alors que des fortunes monstrueuses dégageaient des sommes astronomiques, la population ouvrière se paupérisait. On voyait, se mêlant à la foule des chômeurs, de nouveaux misérables dans la classe inférieure moyenne.
Aujourd’hui l’argumentaire libéral est plombé davantage par son moteur même : la croissance !
Comment expliquer que dans un monde fini qui non seulement ne se renouvelle plus, mais encore perd chaque année des moyens de se régénérer, on puisse encore parler de croissance ?
Allez-y les gars disent le libéraux, il y a encore du gras avant d’arriver à la couenne ! Et ils sont crus par une partie non négligeable de gens !
Dans leur démonstration que tout est encore possible, les libéraux ne manquent pas d’expliquer l’arrêt momentané, la stagflation de l’économie : la guerre bien sûr à nos portes, mais surtout ceux qui ne veulent plus travailler, quand les indemnités de remplacement permettent de vivre de la même manière que le gus qui se lève tôt matin et rentre tard le soir, pour pas grand-chose.
Voilà le mal, beugle GL Bouchez et je suis le remède. Sabrons dans l’argent que l’État accorde à la paresse et à l’antithèse sociale. Forçons-là à sauter du lit et à lire les offres d’emplois.
Le reproche que l’on puisse faire dans le déroulement de cette démocratie subjuguée par le productivisme et la croissance est là. Le travail n’est plus rétribué à sa juste valeur. Les gens qui n’ont plus de travail sont condamnés à être montré du doigt par la foule inconsciente. Pour obtenir la paix sociale, on rétribue un peu plus les diplômés, c’est tout.
L’aveuglement de nos mandataires politiques est effrayant. La plupart sont élus par des citoyens qui souffrent dans leur mal être. Ils ne s’en rendent pas compte et poursuivent contre l’électeur lui-même un dialogue complaisant avec les holdings et les banques, dans la parfaite indifférence des appels de détresse des populations.
Résultat, le peuple s’est détourné aussi de la démocratie, ce moyen pacifique de faire autrement selon la volonté exprimée de celui-ci.
Sans espoir, comme il faut bien s’assumer avec ce qui reste des débris d’une désindustrialisation qui semble se poursuivre malgré tout, le peuple se débrouille dans ce qui n’est plus que son ultime obsession : survivre !