DES REGRETS.
Quoi ! Le grossier et désinvolte « je vais comme tu me pousses » aurait-il eu raison de l’intérêt que nous devrions porter à la Belgique, dans son organisation linguistique catastrophique, ses difficultés organiques pour un pacte de gouvernement aussitôt après les résultats des nouvelles élections, ainsi que pour ses structures abracadabrantes !
Après tout, c’est notre pays, aussi mal fichu soit-il. Le seul que nous ayons. Si la démocratie acquérait enfin ce caractère bien trempé dont nous manquons ; nous n’en serions pas là. Nous pourrions peut-être encore faire de ce royaume baroque, un vrai État.
Serait-ce qu’intuitivement, nous ayons senti que tout effort était inutile ?
Cette indifférence est terrible car c’est une démission et elle n’est pas perdue pour tout le monde. Les partis nationalistes flamands sont aux aguets. Ils spéculent justement sur cet affaissement de la volonté de prendre à bras le corps ce manifeste invalide qu’est notre pays. Il est par terre et ils souhaitent qu’il y reste pour lui marcher dessus plus à l’aise.
Si ce n’était la question épineuse du million de francophones à Bruxelles, c’en serait déjà fait du sort de la Wallonie dans un fédéralisme défunt devant le fait accompli d’une Flandre, État indépendant, Bruxelles, capitale de la Flandre et « barst » pour le reste !
Tout se jouerait entre les partis flamands et les « pointus », les nationalistes de la N-VA et du Vlaams Belang.
La partie francophone ayant épuisé tous les accommodements possibles avec l’ensemble de la classe politique flamande, le plus décevant aurait été les compromissions avec les non pointus pour contenir ces derniers dans une limite fédérale et qui n‘auraient servi, au contraire, qu’à faire progresser plus rapidement le nationalisme en Flandre.
C’est fou, ce qui aura été raté pour en arriver là !
D’abord l’organisation en deux Régions côté francophone. Pourquoi n’avoir pas relevé le gant et décrété que la capitale de la Wallonie, ce n’est pas Namur, villette entre Sambre et Meuse, mais Bruxelles ? Et d’y installer dare-dare nos bureaux plus légitimes que ceux de la Région flamande, ces derniers n’ont-ils pas osé le faire avec moins de 10 % de Flamands !
Tout de suite saute aux yeux les raisons de notre manque d’audace : les partis francophones ont trop de créatures à placer dans les différents niveau d’une organisation régionale. Simplifiée cette dernière aurait divisé par deux le nombre de mandats rémunérés. Avec notre système nous en avons trois, à compter la Fédération Wallonie-Bruxelles, vache à lait des socialistes et des libéraux.
Déjà bien avant les lois linguistiques, nous nous étions couchés devant l’impérialisme naissant de la Flandre.
Nous aurions dû impérativement discuter de deux problèmes fondamentaux. Le premier touche aux droits, quel est le plus juste : droit du sol ou droit des gens ? Enfin, nous aurions dû faire entendre notre volonté de maintenir les recensements linguistiques, sans lesquels ont ne peut pas fonder une politique des langues administratives.
Mais non, par une sotte idée que faire ces concessions allait arrêter le grignotage des pouvoirs de l’´Etat par une majorité flamande, nous avons même collaboré à l’établissement de la frontière linguistique, contribuant par nous-mêmes, à fixer les frontières du futur État flamand !
Cela fait beaucoup d’erreurs anciennes qui nous éclatent à la figure aujourd’hui.
Ce constat ne fera revenir personne en arrière. Il met l’accent sur l’extrême faiblesse de nos mandataires à l’époque, dont il est certain qu’elle est encore présente dans le gouvernement régional Di Rupo-Borsus.
Car, question gaffe, ils n’ont pas changé.
S’il est normal d’exagérer les différences entre les partis afin d’attirer le plus d’électeurs possibles, il aurait été capital de rester unis et intransigeants sur les questions de principe vis-à-vis de la Flandre.
Nous avons manqué de fermeté par une sorte de lâcheté naturelle acquise souvent par le sentiment d’inégalité de par le nombre. Nous avons fait le complexe des minorités !
Et nous le faisons encore dans nos rapports avec la Flandre en passant par le filtre du Fédéral.
Que Bart de Wever dise haut et fort qu’on n’ait pas besoin d’une majorité des deux tiers pour réformer l’État Fédéral, c’est vrai. Mais qu’est-ce qui empêcherait la Wallonie de tenir un discours contraire en l’occurrence, avec la ferme intention de résister aux flamingants, sinon notre complexe des minorités !
Et quand bien même nous le voudrions aussi, ce confédéralisme entre deux États, n’avons-nous pas fait jusqu’à ce jour toutes les boulettes possibles pour en arriver à donner à la Flandre les meilleures positions de négociations avec nous ?
Serait-ce que les Flamands ont ce que nous n’avons jamais eu : un attachement au pays par la langue parlée ?
Notre première faute n’a-t-elle pas été une indifférence à la langue française, notre seul et vrai patrimoine ?