LES DÉCIDEURS ANONYMES.
La Belgique est un étrange pays dans son organisation et ce, à tous les niveaux. Peut-on imaginer un autre pays que le nôtre qui s’ingénierait depuis trente ans à mettre en pratique des Lois séparatrices, frontière linguistique, discrimination des locuteurs du français en Région flamande, droit du sol contre droit des gens, etc. pour faire en sorte que le Nord et Sud du pays soient toujours ensembles !
Autre étrangeté moins connue, nous déléguons tous les cinq ans à peu près nos représentants au Parlement. Ils ont mission de former un gouvernement. Ensuite, les ministres s’empressent de constituer leur cabinet, issu du parti politique du ministre. Leurs membres sont souvent décrochés de la haute Administration. Tandis que le titulaire de la charge muguette de table ronde, en prestations publiques, les cabinettards travaillent, font les discours, étudient les dossiers et convainquent sans rencontrer d’objection que leur compétence est supérieure au ministre. De fait, un ministre détient un ministère non pas pour sa compétence, mais en fonction de l’opportunité d’équilibre entre les partis de la coalition.
Au-delà du gouvernement, la Belgique est dirigée par des chefs de cabinet que le public ne connaît pas et qui gagnent le même salaire que le ministre. Ils fonctionnent comme s’ils étaient des chefs de mafia, s’étourdissent de leur importance au point de devenir la caricature d’eux-mêmes. Ils peuvent échouer sans que leur carrière s’arrête ; il leur suffit de rentrer dans la Haute Administration dont ils sont sortis. Leur impunité est totale. Ayant raté les grands projets, ils sont parfois reconduits dans le poste qu’ils occupaient la cession précédente, par le même ministre incapable de déceler chez eux leur incompétence, tant la sienne l’est davantage !
Les cabinettards ne sont pas élus. Ces hauts fonctionnaires prennent les décisions, ont le pouvoir de ministre, ne risquent rien, ne craignent rien et auront, de toute façon, les honneurs de la nation le jour de leur départ à la retraite. La bourgeoise particratie en a fait son état-major d’élite, ses bérets rouges ! Pérorant entre eux et dans l’ombre, ils savent mieux que quiconque, mieux que les experts, avec une totale prétention au savoir.
Certains de ces cabinettards ont l’esprit appauvri par vingt ans d’Administration, avachissement intellectuel et culturel qui les conduisent à se rabougrir à leurs caricatures, comme dans « Messieurs les ronds-de-cuir ” de Courteline.
Des informations ont filtré des derniers salons où l’on « cause » de politique. Les cabinettards y sont accueillis comme des messies de la bienpensante bourgeoisie activiste.
Des infos explosives sont détenues par des journalistes qui se gardent bien d’en éditer le premier mot. C’est qu’ils tiennent à leur place.
Nous voilà « beaux » dans une Belgique ainsi « drivées », conduites par des irresponsables, on ne s’étonne plus de cette dérive sans fin qui empêche la démocratie d’être ce qu’elle devrait : un régime tenant compte de l’avis du plus grand nombre des citoyens.
Le seul parti dans l’opposition à entrer dans un gouvernement : les engagés (ex CDH) pourrait cracher le morceau, sauf que ce n’est pas dans ses intérêts, attendu qu’il a ses hauts fonctionnaires qui piaffent d’impatience d’en être. On ne voit pas Catherine Fonck, cheffe des Engagés à la Chambre, qui attend depuis des lustres que son président de parti l’adoube enfin dans un rôle de ministre, le devenir de la Santé, alors qu’elle est médecin dans la vie civile. Ce serait trop facile et aussi parce que novices, on ne la placerait pas dans un grand ministère, peut-être au commerce et à l’agriculture. Je suppose que dans sa tête elle a déjà composé sa liste de cabinettards. On est certain qu’une de ses premières intervention serait dictée par son chef de cabinet. Ce serait stupide de se mettre mal avec eux.
Ainsi, de mauvaises raisons en plus mauvaises encore, on laisse aller le pays à vau-l’eau.
La difficulté c’est encore d’informer le peuple de cette omerta sur les décideurs anonymes.
Il a été possible de trouver de la documentation en France qui vit les mêmes difficultés. Un parallèle entre les deux systèmes politiques permet raisonnablement de penser que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Publié en 2022 par la Libre Belgique, un article d’Adrien de Marneffe sur les coûts de l’organisation des ministères en dit long sur les dégâts de cette manière de diriger.
"En France, quand on leur dit qu’un ministre belge a 80 cabinettards, ils hallucinent"
Le coût des cabinets ministériels bruxellois a atteint 23,129 millions d’euros, pour 348 collaborateurs. Selon Marie Goransson (ULB), "dire qu’on a confiance en quelqu’un car il a la même couleur politique, c’est purement belge".
« Un élément décisif dans l'analyse des effectifs des cabinets réside dans le nombre de personnes détachées de l'administration parmi les cabinettards. Car pour ces collaborateurs, seule une prime de cabinet est payée... ».