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Retraite qui décide ?

Les grèves en France contre le gouvernement Borne au sujet de la retraite à 64 ou 65 ans remettent en question le sens que l’on donne au travail.
L’Homme moderne n’est pas né d’une pièce, d’un coup de claquement de doigts, selon le calendrier qui voit défiler les années et les siècles. Sa transformation ou, plutôt, sa mutation en suivant le progrès des techniques et des disciplines de production ne sont pas des effets naturels propres à sa nature, mais, au contraire, les résultats d’une acceptation par la nécessité d’être de son temps ou de périr, de suivre à la lettre ce qu’on lui dit pour produire ce qu’ont décidé ceux chez qui il a loué ses services.
Voilà qui est contraire à sa nature, plutôt inventive, capricieuse et touche à tout, tantôt active, tantôt flemmarde.
Or, ceux qui décident pour lui de sa carrière, de sa longévité en années et en heures par jour de travail, ne fonctionnent pas du tout comme ça.
Certes, ils ont des chefs, des contraintes et vivent dans le respect d’une hiérarchie dont en France, le président de la République est le chef suprême qui fait et défait les carrières. Mais, entre le lever et le coucher, ils vont et viennent mêlant leurs préoccupations de carrière à des considérations éthiques et ludiques personnelles, selon des agendas dont une petite partie est seulement de contrainte.
Il est impossible de comparer une journée de travail entre ces deux sortes de travailleurs, de quantifier ce qu’ils proposent d’eux-mêmes à autrui pour justifier le salaire que leur donne l’État ou le patronat.
Les uns apparaissent accablés par les contraintes, tandis que les autres se plient ou s’esquivent de leurs obligations de façon unilatérale, sans rencontrer une réprobation systématique.
La question financière est vite tranchée en faveur de ces derniers. Les salaires sont incomparables, dérisoires d’un côté, hypertrophiés de l’autre. L’argent, dans cette société, permet entre autres, d’organiser le temps de loisir d’une manière tout à fait différente selon les sommes que peuvent y consacrer ceux qui perçoivent une rétribution pour ce qu’ils font.
Les uns n’ont souvent aucune possibilité de varier les plaisirs, les autres le peuvent aisément en y ajoutant des dépenses purement culturelles, que sont les plaisirs raffinés des fauteuils d’orchestre dans des concerts, des conférences, des achats de livres rares et des évasions dans des pays exotiques pour y connaître les mœurs et la langue ou tout simplement pour s’y baigner dans la piscine d’un cinq étoiles.
En même temps que le curieux et l’édifiant d’une conclusion préliminaire, ce n’est pas au travailleur en bleu ou en cache-poussière, rivé à ce qu’il fait, payé chichement, à qui revient de décider du nombre d’années de présence, à un travail agencé selon les normes d’un tiers, mais à l’autre celui qui est dans une forme différente de travail, dont on n’a pas encore trouvé un autre nom, pour le désigner, alors qu’ils sont d’essence tout à fait différente.

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On objectera que les décideurs de l’âge de la retraite ont d’autres considérations que le respect et le progrès de l’humain. Ils sont tenus de veiller à un équilibre entre les productifs et les improductifs. Les variantes démographiques sont propices aux déséquilibres entre la somme de travail, d’un ensemble selon le nombre de bras permettant de l’étendre sur le temps de l’accomplir. Mais leur condition les met hors d’état de juger ce qui est bon ou pas pour ceux qui pratiquent ce qu’ils ne font pas et ne feront sans doute jamais, comme un enfermement de huit heures dans un lieu clos, réagissant à l’avertisseur sonore qu’il est midi ou cinq heures.
La question du mérite est à débattre. Il paraît qu’aller à l’école plus longtemps que d’autres donne droit à un meilleur salaire et à une autre considération. Aucune école au monde n’a jamais permis de classer les intelligences comme les prix des marchandises dans les rayons d’une épicerie. La plupart des hautes tâches administratives de l’État peuvent se faire par n’importe qui possède une capacité de jugement critique et d’intelligence pratique.
Mais comme dans toute organisation sociale le prince doit être entouré d’un certain nombre de gens qui le protègent par la défense de leur intérêt personnel, au fil du temps, on a trouvé pratique de les sélectionner par diplôme. Ce qui n’est pas du tout le cas dans le privé, le seul critère étant le pouvoir par l’actionnariat.
Reste la valeur morale du travail. Le plus grand nombre se dévouerait pour une société inégalitaire au plus haut degré, à qui pourrait-on faire croire à ces sornettes ?
Que la sinistre obligation de la vie impose le travail, soit, mais qu’on demande d’y croire à ceux qui descendent dans la rue pour qu’on ne touche pas à l’âge de la retraite, de révérer son métier avec celui des autres, passe l’entendement du philosophe. Certains préfèrent la nuit au jour, n’est-ce pas leur droit ? Rien ne sert d’être vivant le temps qu’on travaille.
André Breton dans « Nadja » n’écrit-il pas « L‘événement dont chacun est en droit d’attendre la révélation du sens de sa propre vie, cet événement que, peut-être, je n’ai pas encore trouvé, mais sur la voie duquel je me cherche, n’est pas au prix du travail ».
C’est justement là qu’on retrouve Emmanuel Macron et son soldat Borne, ces gens qui tranchent selon leurs critères que la multitude des Français doit accomplir trois ou quatre ans de plus pour trouver une raison d’être. Ce n’est pas au prix du travail qu’ils la trouveront.

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